Les seigneurs et nobles de FERRAGNE en Velay
En Velay, selon A. BOUDON-LASHERMES [4], cité par Gaston de JOURDA de VAUX [5] dans son Nobiliaire (II, p.157) :
« les membres de la famille d’Espaly des
« seigneurs de Ferraighe » se transmettaient jalousement, de génération
en génération, le titre de « comarc »[1],
c’est-à-dire, suivant du Cange, prince (Le Comarc était aux temps gallo-romains
et gallo-francs, le chef des Comtes, dans la province) et il ajoute, qu’en
Velay, les Comarcs se titraient au début de la féodalité « seigneurs de
Feraignhe »[2],
et lorsque les noms de famille apparurent, ils se nommèrent « d’Espaly ».
Antérieurement, ils s’appelèrent simplement « Durand, comarc » ; « Pons,
comarc » ; « Bertrand, comarc » ; ou encore, « Comarc, d’Espaly »,
sans autre prénom » .
Le splendide blason « à l’aigle éployé » de la famille d’ESPALY, seigneurs
de FERRAIGNE, (repris en partie par la famille de LICQUES) ,
tendrait à suggérer l’idée d’une position prééminente de leurs ancêtres « comarcs ».
Toutefois, l’époque de création et l’histoire de ce blason ne sont pas
connues avec précision.
Ces auteurs citent un certain nombre de « Comarc, d’Espaly » (depuis Durand (1096) jusqu’à Hughes (1383)), puis à différentes dates :
- 1285, Etienne de FERRAGNHE (« FARINE ») ;
- 1309, noble Pierre de FERRAGNHE (« FARENGUE ») ;
- 1343, Guillaume d’ESPALY, dit de FERRAGNHE ;
- 1386-1397, Pierre d’ESPALY, alias FERRANHE (Solignac-en-Velay) ;
- 1495, Geoffroy d’ESPALY, alias FERRANHE , père de Eymar
- 1519, Pierre d’ESPALY, alias FERANHE , écuyer (1519) ;
- 1545, Eymard d’ESPALY, seigneur de FERRANHE
- Jehan de FERRAGHNE, de Séneujols (FERRANHA de Seneol)
C’est à partir du 12e ou 13e siècle (époque d’apparition du 2e nom ou nom de famille) que le nom de FERRANHE (FARRANHA) apparaît seul dans divers actes (reconnaissances, donations, rentes, etc. …). Ce nom est alors porté à la fois par des membres de la famille « d’ESPALY, seigneurs de FERRANHE », comme titre seigneurial, et par des nobles (comme l’atteste les libellés associés, tels que « noble », « écuyer », « chevalier », etc. …), ayant pour nom de famille « de FERRANHE » et non plus d’ESPALY.
Selon A. BOUDON-LASHERMES, la première occurrence du titre de FERRANHE se situerait vers 1285 avec Etienne (« FARINE »).
Cette famille se titrait également de différentes autres seigneuries :
* seigneurs d’Espaly, Batarel, la Faye près Chapteuil, Ferraghne, Retournaguet, le Villaret-Vieux (Velay) ;
* coseigneurs de Saint-Marcel (banlieue du Puy), Ramouscle (ou Ramourouscle près Bains), Servissas, Mezères, Blanhac, les Breux, Préaux, Roirou, les Beaux, la Boriade, les Ceyssoux, Rosières (mandement de Solignac), Chassende, Viauches, Chalendar, Chaspinhac (Velay) ;
* possessionnés à Chalencon et à Gluyras, etc. (Vivarais) ([5, 6].
L’histoire de cette famille d’ESPALY (dénommée Espalide, Spalatum, Spali, Ispaly lez le Puy, Expailly, etc. selon les écrits consultés), seigneurs de FERRANHE, est ancienne et complexe :
- occupant d’un château féodal (castrum Spaletti) dans le village d’Espaly-Saint Marcel (proche banlieue actuelle du Puy-en-Velay), château cédé aux Évêques du Puy en 1197[3]. Leur nouveau château fut bâti juste à côté et subsista jusqu’en 1591, date à laquelle il fut assiégé par les Huguenots, démoli et rasé ;
- participations aux Croisades ;
- la branche aînée disparaissant avec Bertrand à la fin du 12e siècle, la perpétuation du titre fut assurée par un (ou l’un des) rameau cadet avec Celebrus [5];
- dernier représentant de la famille avec
Aymar d’ESPALY, seigneur de FERRAIGNHE (1521-1570), qui connaît de « grands
désagréments » pour avoir occis son voisin Pons de NOGARET, seigneur de DURIANNE
et ce, même après sa grâce en 1556. Dans les minutes des témoignages à charge
recueillis lors l’instruction de son procès tenu le 16 octobre 1556, l’accusé
est nommé tantôt « noble eymar despaly seigneur de FERRANHE », tantôt « eymar
de FERRANHE ».
Le château
des ESPALY, déjà cédé à la famille de LICQUES, fut le lieu, entre 1562 et 1591, de
nombreux événements sanglants. lors des
guerres entre Protestants et Catholiques. Il fut complètement rasé en 1591, à la
fin de la guerre.
2.2. G. PAUL [6] précise lui aussi que la famille d’ESPALY est une très ancienne chevalerie, dont les traces dans les documents (donations, témoignages, etc.) remontent à 1031.
2.3. Les recherches, encore en cours, menées par Ph. RAMONA (communication personnelle de ses relevés documentaires) viennent préciser et nuancer l’histoire établie par A. BOUDON-LASHERMES sur deux points principaux.
* La première mention du titre « FERRANHE » remonterait seulement à Pierre d’ESPALY, signalé dans une reconnaissance en 1335 (Petrus de Spaleto dominus Ferranha). Elle est suivie par celle de Guillaume d’ESPALY alias FERRANHE, son fils, dans un hommage en 1343 (Guillelmus despaleto alias Ferranhe).
Aucun des nombreux seigneurs d’ESPALY antérieurs à cette date ne portait ce titre tandis que beaucoup des successeurs sont appelés tantôt d’ESPALY alias FERRANHE, tantôt de FERRANHE alias d’ESPALY (et indifféremment car certains peuvent avoir les deux épithètes dans deux actes différents…) surtout à partir de 1397.
Il y
a également, en Velay, dans la région du
Puy, à côté des membres de la lignée des d’ESPALY (seigneurs, chevaliers,
écuyers, chanoines, etc. …), des individus, voire une ou plusieurs
lignées nobles, clairement identifiés, portant le simple nom de FERRANHE.
Ainsi, le 4
mars 1719, une délibération du bureau de l'Hôpital de Monistrol donne
procuration à un sieur de FERRAIGNE, syndic de cet établissement, pour traiter
avec l'Hôtel-Dieu du Puy de la locaterie perpétuelle, bail consenti par les
administrateurs de l'Hôtel-Dieu du Puy, en faveur de l'Hôpital de Monistrol, de
tous les cens et rentes perçus par lui au Regard, à Nant, à Chazelles, à la
Grange-Valat au Monteil, aux Hivernoux, à la Champravie et autres lieux
avoisinant Monistrol, moyennant la rente annuelle et perpétuelle de 90 livres
payable au 1er janvier de chaque année.
Cette
« dichotomie » ou « séparation » entre d’ESPALY et de FERRANHE,
de FERRAIGNE reste encore mal
documentée pour l’instant.
Les diverses formes du nom[4] rapportées ci-dessus, même si elles n’ont pas une grande signification, résument assez bien l’évolution orthographique du titre dans les divers actes rédigés en Velay en fonction des différentes époques [5, 6] .
* La position de « Comarc » de la famille d’ESPALY au sens étymologique du mot de chef ne semble pas aussi bien établie que l’affirme A. BOUDON-LASHERMES.
Ce titre est rarissime dans l’histoire du Haut ou Bas Moyen Age auvergnat et pose question. En fait, ce nom de « comarc » pourrait être aussi, dans les documents originaux consultés (en latin), tantôt un prénom, tantôt et plus rarement un titre devenu sobriquet[5]. Sa signification exacte reste à préciser.
L’histoire de la famille d’ESPALY « se transmettant jalousement, de génération en génération, le titre de Comarc » est peut-être à nuancer[6].
L'histoire de cette famille d'ESPALY entre le 11e et le 16e siècle, très complexe, reste fort mal connue.
En Velay, après le décès d'Aymar d'ESPALY, le titre de « seigneur de FERRAIGNHE » porté par la famille de LICQUES se maintint jusqu’au 19e siècle. Citons quelques événements clairsemés :
- l’héritage de la seigneurie de FERRAIGNHE par
la famille d’ALBIAT, peu après la disparition d’Aymar d’ESPALY, dernier de sa
lignée;
- la vente en 1586 de la seigneurie de FERRAIGHNE à Guyot de LICQUES.. L’acte de vente, rédigé sur vélin, est conservé
aux AD du Puy-en-Velay.[7] ;
- en 1590, la métairie de Guyot de LICQUES, la Bernade, dite « maison de FERRAIGHNE » ainsi qu’un moulin à drap sont brûlés (acte criminel) ;
- en 1665, Gabriel François de LICQUES,
seigneur de FERRAIGHNE (identifié comme le « sieur de FERRAGNE » cède des rentes
sur différents villages ;
- entre 1700
et 1721, "noble Just DELIQUES de FERRAIGNE archiprêtre, curé de la paroisse de
St Marcellin de la ville de Monistrol au diocèse du Puy" signe le registre des "bâtémes,
mariages et enterrements". Il y sera inhumé en 1738.
- en 1732, mariage de Gabriel Antoine de LICQUES, écuyer, seigneur de FERRAIGHNE ;
- en 1769, mariage de Jean Pierre Gabriel François de LICQUES, écuyer, seigneur de FERRAIGNE qui fut 1er Consul et maire du Puy-en-Velay de 1782 à 1786, puis en 1790 dans la première municipalité révolutionnaire ;
- en 1771, naissance de Michel Gabriel François Marcellin de LICQUES, écuyer, seigneur de FERRAGHNE (ou de FERRAIGNHE), dernier représentant mâle de sa maison. Il fut maire d’Espaly-Saint Marcel et membre du Conseil général de la Haute-Loire sous la Restauration. Il s’éteignit le 2 octobre 1852, entraînant la disparition définitive du titre. Il était Chevalier de Saint-Louis.
La « francisation » de la graphie du titre ne se fit pas sans quelques tâtonnements ou hésitations, semble-t-il, car on en trouve d'aussi variées que de LICQUES de FARRAIGNE, de FARRAGHNE, de FERRAGNE, de FARRAIGHNE, de FERRAIGNE, de FERRAIGNHE (informations Geneanet).
Mais, bien sûr, il ne faut pas attacher une importance excessive à ces orthographes, basées sur la phonétique et traduisant l'inspiration du scribe dans l'instant de son effort scriptural.
[1] Comarc ou comarque, du latin comarchus = maire dans un bourg (in Dictionnaire illustré Latin-Français de F. GAFFIOT), mot dérivé du grec kômarkhos = chef d’un bourg, d’un village. Ce titre est rarissime dans l’histoire du Haut ou Bas Moyen Age auvergnat.
En fait, ce nom de « comarc » pourrait être aussi, dans les documents originaux consultés (en latin), tantôt un prénom tantôt un patronyme, voire un titre devenu sobriquet. (d’après une discussion suscitée par Ph. RAMONA dans le Newsgroup f r.soc.histoire.medievale en 2004). Sa signification exacte reste à préciser.
[2] Orthographes soulignées par les auteurs A.F. et G.F.
[3] A ce titre, ce château d’Espaly fut le siège de différents événements historiques. C’est dans ce « chastel » qu’en octobre 1422, le Dauphin , duc de Touraine, apprit la mort de son père Charles VI (le Bien-Aimé), puis y fut acclamé roi de France par ses officiers. Charles VII y convoqua tous les seigneurs feudataires le 1er janvier 1424. (selon Monstrelet)
[4] Elles représentent un hétéroclisme latin-occitan-français reflétant les transcriptions des auteurs des publications, FERRANHA étant la graphie latine.
[5] D’après une discussion suscitée par Ph. RAMONA dans le Newsgroup f r.soc.histoire.medievale en 2004.
[6] A. BOUDON-LASHERMES, autodidacte du Puy-en-Velay, semblerait ne pas avoir la réputation d’une grande rigueur dans ses reconstitutions historiques.
[7] Guyot de LICQUES était le voisin d’Aymar avec lequel il eut un certain nombre de différents de voisinage mouvementés (voir le portrait d'Aymar d'ESPALY, dernier seigneur de FERRAIGNHE)