Quelques événements au château d'Espaly
durant les guerres de religion.
(d'après ARNAUD, "Histoire des Protestants du Vivarais et du
Velay", Éditions La Bouquinerie, 2004, Valence)
Le
Puy-en-Velay et le village tout proche d'Espaly-Saint-Marcel furent le théatre
de nombreux affrontements entre Huguenots et Catholiques durant les guerres de
religion. Il faut garder en mémoire la photographie panoramique du Puy-en-Velay
pour apprécier la dimension géographique de ces événements.
Ces récits
permettent d'imaginer un peu le climat social de l'époque: tensions, suspicion,
délation, haines; hésitations, revirements, trahisons; dénonciations,
emprisonnements, Ces événements opposaient les habitants d'une même rue, d'une
même ville, de toutes conditions nobles, religieux, bourgeois, petit peuple,
obligés de choisir leur camp. Et chacun des deux camps faisait appel à des
soutiens extérieurs, "trahissant" sa ville aux yeux des autres, soutiens formés
par des troupes.
Quelques extraits du livre d'ARNAUD.
1ère guerre 1562-1563
"La nouvelle de la levée de boucliers des huguenots étant parvenue au Puy,
l'évêque Antoine de Sénectère, qui craignait que ceux de la ville, assez
nombreux à cette époque, ne songeassent à s'en emparer, les fit conduire dans
ses prisons, où ils demeurèrent enfermés neuf jours, après quoi ils furent
relâchés. Sénectère était un prélat belliqueux comme on en vit plusieurs au
seizième siècle. En mai 1562, il avait fait plusieurs courses armées, accompagné
d'Antoine de Latour, baron de Saint-Vidal, à Saint-Agrève, Montfaucon, Feurs, la
Chaise-Dieu, et s'était même rendu au camp catholique de Lyon, mais sans en
rapporter aucune gloire.
Vers la
mi-juin, en prévision d'un siège, les habitants du Puy, de tout ordre et de
toute condition, se pourvurent d'armes et on fit " bon guet de jour et de
nuit ". Les murailles de la ville furent réparées et fortifiées, une milice
organisée, des provisions de vivres faites pour trois mois et deux commandants
en chef nommés, l'évêque et Jean de Fay, baron de Latour-Maubourg. La présence
au Puy d'une grande partie de la noblesse, à l'occasion de la convocation du ban
et de l'arrière-ban, ordonnée par le roi, favorisa particulièrement la défense.
Les principaux gentilshommes ainsi réunis étaient Jonchères, Beaume et Laurent
de Pouzols.
De leur côté,
les huguenots de la ville pressaient secrètement les troupes de des Adrets, qui
opérait dans le Forez et le Lyonnais, de marcher sur le Puy. "Venez-y
hardiment, " leur disaient-ils, "et n'y faillez, car au Puy ne sont gens
pour vous y faire résistance, et là vous pourrez faire tous riches";
Encouragé par ces avis, des Adrets, qui venait de s'emparer de Montbrison,
capitale du Forez (juillet), résolut de faire le siège du Puy " pour le
purger, " disait-il, "de l'idolâtrie "; mais, obligé de rentrer en
Dauphiné, où ses soldats avaient essuyé des échecs, il chargea son lieutenant,
le Dauphinois Mathieu de Forêts-Blacons, de s'emparer de la capitale du Velay.
Ce dernier,
qui venait de se saisir de la célèbre abbaye de la Chaise-Dieu, dans la Basse
Auvergne (2 août), réunit au Pontempeyrat, petit hameau situé sur la lisière du
Forez et du Vivarais, toutes les troupes huguenotes du pays, faisant sept à huit
mille hommes, venues de Saint-Voy, du Chambon, des Vastres, de Fay-le-Froid et
de Saint-Agrève. Elles comptaient aussi huit enseignes suisses et plusieurs
compagnies du Vivarais, sous les ordres de François Buisson, seigneur de Sarras,
gouverneur d'Annonay, et trois ou quatre cents habitants réformés du Puy,
commandés par le boulanger Jacques Guitard, ancien consul, François de Chambaud
et le capitaine dauphinois Charles du Puy-Monbrun, qui devint si célèbre dans la
suite, étaient également dans l'armée de Blacons, qui conduisait deux petits
canons de campagne, insuffisants pour battre avec succès les murailles de la
ville.
Blacons était
prêt à se mettre en marche quand les habitants du Puy lui députèrent Antoine
d'Allègre, seigneur de Saint-Just, gentilhomme protestant, frère d'Yves Allègre,
sénéchal du Velay, qui lui proposa une somme d'argent pour qu'il se retirât. Le
capitaine huguenot lui demanda 3,500 écus, qui lui furent portés le lendemain
par Saint-just. Mais ce dernier, qui trahit ses commettants, ne revint pas et Blacons lui-même, ne tenant aucun compte de sa parole, ne rebroussa pas chemin
vers Lyon, comme il l'avait promis, et continua sa marche en avant. Plusieurs
bourgeois, gagnés aux nouvelles doctrines, sortirent secrètement du Puy et le
rejoignirent, et un certain nombre de catholiques, saisis par la crainte,
prirent la fuite. Les religieux des couvents situés hors des murs se retirèrent
dans la ville avec leurs trésors et leurs archives, les maisons des tanneurs,
bâties sur le Delaison [affluent de la Borne, au sud du Puy], furent abandonnées, parce qu'on ne pouvait les défendre,
et tous les gens suspects de luthérianisme mis en lieu sûr.
L'armée de
Blacons, guidée par Saint-Just et Guitard, parut le 4 août aux premières heures
du jour, après avoir pillé Saint-Paulien en passant. Elle établit ses deux
canons sur la montagne de Rozon [au sud-ouest du Puy], d'où l'on apercevait toute la ville, et se
saisit d'Espaly [à l'ouest du Puy], dont les portes furent enfoncées au moyen de pétards, d'Aiguilhe
[au nord du Puy],
où elle abattit la statue de l'archange Saint-Michel, dressée sur un rocher
depuis six siècles auparavant, et celle de Saint-Marcel [Espaly].
Le lendemain,
5 août, Blacons attaqua la porte et la grande rue de Panassac; mais le feu des
assiégés l'obligea à quitter ce poste. Ses canons tonnèrent pendant trois heures
contre les murailles de la ville, mais sans leur faire aucun mal, parce qu'ils
n'avaient pas une portée suffisante. ...
Le troisième
jour, 6 août, il demanda l'autorisation d'entrer dans la ville pour abattre
seulement les images du culte catholique, moyennant quoi il ne ferait aucun mal
aux habitants; mais on ne l'écouta point. Burel dit pourtant que l'évêque fut
d'un avis contraire. Voulait-il épargner à sa ville les horreurs du pillage et
sauver la vie de ses habitants, Craignait-il spécialement pour lui-même?
Penchait-il pour la Réforme? On ne saurait le dire. Toujours est-il que, pendant
le siège, il " tachait ", dit Burel, " par tous moyens de s'enfuir et
se retirer hors de la ville par la porte Saint-Robert, qu'il faisait tenir
ouverte; et toutefois les habitants de la ville, ayant vu la mauvaise volonté
dudit sieur, firent fermer la dite porte et firent bonne garde ".
Blacons,
débouté de ses prétentions, recommença la lutte, mais sans être plus heureux. Il
ne put parvenir à planter aucun de ses étendards sur les murailles, et la
garnison de la place fit même cinquante prisonniers à la suite de diverses
sorties. Raillé par Latour-Maubourg, qui fit jouer des airs de musique joyeuse
sur les remparts, ayant perdu d'un autre côté environ mille soldats tués ou
blessés, tandis qu'un grand nombre d'autres se débandaient et fuyaient;
apprenant aussi que le frère de l'évêque du Puy marchait au secours de la ville,
il désespéra de s'en emparer et leva le siège le 10 août, après cinq jours
d'attaques infructueuses. Il se retira vers le Forez, mais non sans perdre
encore quelques hommes en passant sous les murs du château de Polignac, dont le
seigneur François Armand de Polignac canonna ses soldats.
Les cinquante
prisonniers faits sur ses troupes furent condamnés à mort sans pitié par le
conseil de la ville et pendus le même jour sur la place de Martouret. Quant aux
habitants catholiques qui s'étaient enfuis, on les condamna à des amendes
proportionnées à leur fortune pour indemniser la ville des frais qu'elle avait
fait pour sa défense.
Jacques
Guitard reprit deux ans après, en 1565, possession de sa boutique de boulanger
de la rue Chenebouterie, mais, chaque fois qu'il se montrait en public, la
populace le poursuivait de ses outrages, " même les enfants ", dit Burel,
" se seraient mis en devoir, lui étant en son tablier (établi), de
l'outrager et faire beaucoup des opprobres et molestations, jusque lui cracher
au visage, l'appelant le porc Guitard ".
5ème guerre 1574-1576
Prise d'Espaly et sa capitulation (1574)
Un mois
environ après, dans la nuit du 9 au 10 janvier 1574, un bonnetier du Puy, nommé
Vidal Guyard, homme fort irréligieux, quoique huguenot, et qui tenait campagne
depuis un certain temps à la tête de cent cinquante hommes environ, se saisit,
en compagnie de Marfouze, son lieutenant, de la forte place d'Espaly, près du
Puy. Il y pénétra par un égout, à la clarté de la lune, tua le factionnaire qui
gardait la poterne, et ouvrit la place à ses gens, qui s'emparèrent du château,
situé sur un roc à pic et élevé. Avertie immédiatement de ce fait d'armes par
des habitants catholiques qui sautèrent par dessus les murs de la place, la
ville du Puy fut dans un grand émoi. Senectère arrêta les habitants, qui
voulaient sur l'heure, mais témérairement se ressaisir de la place, et appela à
son aide Saint-Vidal dès le lendemain.
Lorsque ce
dernier fut arrivé, les habitants du Puy tentèrent, deux ou trois fois, de
reprendre Espaly, mais ce fut sans succès, car Guyard avait fait creuser des
tranchées autour de la place et abattre toutes les maisons qui gênaient la
défense. Le capitaine général de la ville, Jean Spert, seigneur de Volhac, fut
un peu plus heureux. Il s'empara du bourg le 20 janvier, après un assaut qui
dura plusieurs heures, mais la garnison se retira dans le château où elle
résista à toutes les attaques. Les soldats catholiques abattirent les murailles
du bourg sur une étendue de plus de cent pas et le saccagèrent de fond en
comble. " Furent les maisons ruinées " dit Burel, " démolies et
abatues la plupart; arrachées les portes, fenêtres, barres de fer, verrous et
serrures ". A dater de ce moment, de nombreux combats eurent lieu entre la
garnison du château, qui voulait reprendre le bourg, et les catholiques, qui
voulaient reprendre le château. Dans l'un d'eux, Saint-Vidal reçut un coup
d'arquebuse à l'épaule qui l'obligea à garder le lit presque tout le reste de
l'hiver.
Pendant ce
temps, La Barge, gouverneur du Vivarais, était venu prêter main-forte à
Saint-Vidal avec une compagnie de cinquante hommes. Il courait la campagne pour
la mettre à l'abri des incursions des huguenots d'Adiac, de
Saint-Quentin-Chaspinhac et d'ailleurs. Les prisonniers étaient pendus le
lendemain sur la place de Martouret du Puy sans autre forme de procès.
Dans le
courant de février, on fit quelques tentatives auprès de Guyard pour qu'il
évacuât le château d'Espaly; mais, comme il demanda la somme énorme de 30,000
livres, les négociations furent rompues. Saint-Vidal eut alors recours à la
ruse. Ayant fait fabriquer une fausse lettre, où Guyard offrait, pour quelques
centaines de pistoles, aux consuls du Puy de leur livrer ses soldats et son
lieutenant Marfouze, il chargea un gentilhomme réformé, le sieur de
Saint-Agrève, qu'il corrompit, de la remettre à Marfouze. Celui-ci reçut la
lettre, crut à son authenticité, et, quand vint la nuit la communiqua à ses
soldats. Ces derniers, sans seulement entendre leur capitaine, le tuèrent d'un
coup de pistolet, ainsi qu'un des siens qui voulait le défendre. Saint-Vidal en
fut informé; mais Marfouze, contrairement à son attente, ne lui ouvrit pas ses
portes et repoussa même un furieux assaut qui lui fut livré par les compagnies
de la ville du Puy.
Saint-Vidal,
ne prévoyant pas d'issue favorable à ce siège, tenta les voies de la
négociation. Il venait d'être nommé gouverneur du Velay à la place de Sénectère
(3 février 1574). Marfouze consentit à évacuer le château à la condition qu'on
lui donnerait 2,000 écus, une paire de chausses, et un cheval, et que ses
soldats recevraient des souliers, des chapeaux et des bottes. La capitulation
fut fidèlement observée, grâce à un échange réciproque d'otages. Le 12 mars, à
la tombée de la nuit, Marfouze quitta Espaly avec sa troupe et fut escorté par
de Volhac jusqu'à Saint-Quentin-Chaspinhac, où eut lieu la reddition réciproque
des otages. Quant aux habitants du Puy, que la fin tragique de Guyard n'avait
pas satisfaits, ils déterrèrent son corps et lui arrachèrent " la barbe, "
dit Burel, " et les yeux de la tête à grands coups de pierre et plusieurs
autres insolences ".
Les circonstances détaillées de la destruction complète en 1591 (?) du château des
seigneurs de FERRAIGNE (château d'Espaly) n'ont pas encore été retrouvées dans la
littérature. Mais il est à penser que cet édifice était déjà fortement
endommagé.
Avec lui disparurent
sans nul doute des traces et documents essentiels sur la lignée des d'ESPALY,
seigneurs de FERRAIGNE.
A cette époque là, Monsieur (ou Madame), on ne mourrait pas de la pollution ou de la
malbouffe ou de ces modernes maladies si sophistiquées.
Non ! On avait
des convictions et on
mourrait sainement, simplement "arquebusé", ou de bons coups d'épée ou au bout
d'une rustique corde de chanvre ou plus benoîtement d'une poussée dans le dos du haut des remparts....
Il est vrai
que le réchauffement climatique n'avait pas commencé. Il faudra attendre 1850.
Tiens !, c'est l'époque où s'éteint la lignée des de LICQUES, seigneurs de
FERRAIGNHE ...
Ne me demandez pas ma préférence ...
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